Infolettre avril 2025
- Anik Pelletier
- 23 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 juin
Tu m'en diras tant! L’infolettre qui s'intéresse à tout ce qui touche la langue.

Je suis heureuse de vous retrouver ce mois-ci, alors que le printemps semble s'être bien installé. On avait bien besoin d’un peu de soleil alors qu’on vit des moments difficiles collectivement. Nos valeurs sont ébranlées (et je ne parle pas de la valeur de nos placements!). La technologie bouscule ceux et celles qui ont choisi des métiers comme la traduction, les forçant à se repositionner face à l’intelligence artificielle.
La censure imposée aux États-Unis fait disparaître des mots de secteurs d’activité entiers, là-bas comme dans d’autres pays partenaires (j’aurais utilisé le mot « alliés », mais ce n’est plus vraiment le cas, n’est-ce pas?). Ces pays n’ont souvent d’autre choix que de se plier à la volonté d’une présidence qui renie des concepts comme accessibilité, communauté, énergie propre et femme. Vous avez bien lu : femme. Bien entendu, on ne bannit pas le mot homme.
Face à ce chaos, que faire? Garder la tête froide, se serrer les coudes collectivement et résister à la tentation de tout abandonner. Plus facile à écrire qu’à faire, j’en conviens. Ma recommandation : prenez du temps pour vous ressourcer. Chaque jour si vous le pouvez. Lisez une bande dessinée, partez marcher dans la nature, offrez-vous une petite gâterie sans compter les calories, laissez-vous emporter par la fièvre des séries. Je vous garantis que chaque plaisir coupable vous apportera du réconfort.
Prenez soin de vous!
Anik
La loi 96 est-elle une barrière au commerce international?
J’ai récemment pris la plume pour offrir une analyse nuancée de la Charte de la langue française à la suite des critiques formulées par l’administration états-unienne contre le Québec.
Plutôt que de la percevoir comme une barrière au commerce, je crois plutôt qu’elle représente une invitation à intégrer le français dans les pratiques d’affaires des entreprises d’ici et d’ailleurs. Certes, cela représente un défi, notamment pour les entreprises internationales, mais avec de la volonté et un accompagnement adéquat, c’est tout à fait réalisable.
Le Québec, à l’instar d’autres nations, a le droit de définir sa langue officielle.
Avez-vous déjà vécu de l’insécurité linguistique?
Il y a quelque temps, dans une chronique, j’ai exprimé mon malaise face au jugement qu’on porte sur les personnes qui ne maîtrisent pas la langue selon les normes du « bon » français. Dans le monde langagier, on a parfois tendance à discréditer les gens qui font des fautes d'orthographe, utilisent des anglicismes ou ont un vocabulaire limité. On les regarde de haut et ça crée des barrières. Résultat : les gens n'osent plus s'exprimer en la présence de personnes qui incarnent « l’autorité grammaticale », s'excusent sans cesse de ne pas bien parler… et finissent par se taire.
Bref, on les « shut down ». 😉
Un récent reportage de Radio-Canada a ravivé cette réflexion. Les récits présentés rappellent que la langue touche à l’estime et à l’identité, notamment. Je crois que, pour soutenir le français, il faut aussi accueillir les accents et les tournures « hors normes ».
Dans la même veine, j’ai assisté la semaine dernière à la pièce Parler mal au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Deux artistes du Nouveau-Brunswick y confrontent, avec humour et tendresse, les préjugés envers leur façon de parler. J’ai ressenti beaucoup d’empathie lorsque Bianca Richard et Gabriel Robichaud ont partagé leur gêne, leurs doutes, leur envie de se taire plutôt que de faire face au jugement.
J’ai été particulièrement interpellée lorsque Bianca Richard a raconté qu’elle avait utilisé le mot « opportunité » dans le sens d’occasion, même si elle savait que c’était un anglicisme, et que son interlocutrice l’avait reprise alors qu’elle comprenait très bien le sens de la phrase.
J’avoue avoir déjà regardé de haut les gens qui ne s’exprimaient pas correctement selon mes standards à moi. La glottophobie est bien présente dans le milieu linguistique. Mais c’est une maladie qui se soigne, pour peu qu’on fasse preuve de retenue, d’empathie et d’ouverture.
Bien sûr, un registre plus soutenu est nécessaire dans certains contextes (affaires, communications publiques…), mais il faut aussi respecter les autres formes de « parlures ». Après tout, la diversité, ça touche aussi la langue sous toutes ses formes.
Je vous recommande chaudement cette pièce qui marie habilement humour et réflexion.
Vivre avec la surdité dans un environnement linguistique où on est minoritaire
J’ai été touchée par cet article de Francopresse sur les défis vécus par les personnes malentendantes francophones vivant en milieu minoritaire (dans une communauté largement anglophone). Quand l’accès à la langue et à l’information est limité par des barrières à la fois linguistiques et fonctionnelles, c’est toute la vie sociale qui devient plus étroite.
« Former un interprète en LSQ prend des années », explique Richard Belzile, directeur général de l’Association des Sourds du Canada. « Il faut être bilingue français-anglais, comprendre la culture sourde et celle des entendants, et savoir adapter le message pour le rendre accessible. Or, les budgets étant souvent limités, cela crée une barrière énorme pour les personnes sourdes qui souhaitent des services en français. »
Impossible de rester de glace devant un tel enjeu. D’autant plus que j’ai développé un Guide de communication inclusive et accessible pour un grand client gouvernemental il y a quelques mois. Ce mandat m’a incitée à effectuer des recherches approfondies, à suivre des formations et à lire sur ces enjeux (ainsi que sur bien d’autres).
Je dois reconnaître que la société dans laquelle nous vivons a encore beaucoup de chemin à parcourir pour favoriser la véritable et pleine intégration des personnes qui vivent avec des handicaps de cette nature.
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