top of page

Francisation : la question de l'heure

Alors que la date limite du 1er juin approche pour les entreprises qui doivent s’inscrire auprès de l’Office québécois de la langue française (OQLF), je me fais de plus en plus poser la même question :

 

« Quelles sont les conséquences si mon entreprise ne s’inscrit pas et ne se conforme pas à la Charte de la langue française? »

 

Certaines personnes ajoutent : « je connais plein d’entreprises qui ne sont pas conformes et qui n’ont pas de problème. » Ou encore : « l’OQLF ne va tout de même pas débarquer chez nous le 2 juin et nous mettre à l’amende! » À cette dernière remarque, je réponds qu’effectivement, les risques que ça arrive sont bien minces, mais…

 

Je poursuis habituellement en faisant un parallèle avec le Code de la sécurité routière. Tout le monde a l’obligation de s’arrêter à un feu rouge. Cependant, vous pouvez décider de griller de manière répétée le feu rouge à deux pâtés de maisons de chez vous, puisqu’il n’y a jamais personne à cette intersection de toute façon. Il se peut que vous ne vous fassiez jamais pincer. Mais il se peut aussi qu’on vous donne une première contravention, puis qu’on sévisse davantage si vous refusez de collaborer. C’est la même chose avec la conformité à la Charte.


Image d'un feu de circulation

Mon approche d’accompagnement en francisation a toujours été de mettre l’accent sur les avantages de faire du français la langue du travail. Les histoires de peur, très peu pour moi. Mais j’avoue qu’avec la fréquence accrue de ce questionnement sur les conséquences, j’ai décidé d’y répondre.  Avec une question fondamentale.

 

Votre entreprise est-elle prête à faire face aux risques?


Depuis l’entrée en vigueur de la Loi 96 en juin 2022, les obligations linguistiques des entreprises établies au Québec ont été renforcées. La version modernisée de la Charte de la langue française établit des droits linguistiques fondamentaux, dont ceux de travailler en français, et d’obtenir de l’information et des services en français. Et les conséquences du non-respect de ces droits fondamentaux peuvent être sérieuses et coûteuses.


Des pouvoirs accrus à l’Office


L’OQLF dispose maintenant de pouvoirs étendus d’inspection, d’enquête et d’intervention. Son personnel habilité peut donc :

  • visiter les lieux de travail (sauf les domiciles privés)

  • accéder à des documents, y compris informatiques

  • exiger la cessation d’une infraction à la Charte (par exemple, faire retirer des produits ou des affiches non conformes)

  • demander des ordonnances d’injonction auprès de la Cour supérieure


L’OQLF privilégie l’approche collaborative. Mais en cas de refus de collaborer ou de récidive, il peut aller plus loin.


Sanctions financières : des amendes qui grimpent vite


Les amendes prévues par la Charte varient selon la gravité et la répétition de l’infraction :

  • de 3 000 $ à 30 000 $ pour une entreprise fautive

  • doublées en cas de récidive, triplées en cas de récidive additionnelle

  • par jour d’infraction, s’il y a persistance


Un affichage non conforme, un contrat en anglais, l’absence de français sur un site web ou sur des produits peuvent donc entraîner des sanctions substantielles.


Autre conséquence financière : fini l’accès aux contrats publics


Une entreprise non conforme ne peut pas obtenir de contrats ou de subventions de l’administration publique québécoise, y compris des ministères, sociétés d’État, municipalités ou établissements de santé.


De plus, plusieurs donneurs d’ouvrage exigent désormais une attestation de francisation de leurs fournisseurs ou sous-traitants. Pour une entreprise, être conforme, c’est donc aussi rester concurrentielle.


Risques juridiques : nullité de contrats et révocation de permis


Si un contrat a été rédigé en violation de la Charte, ses clauses pourraient être déclarées nulles. La personne ou l’entreprise lésée peut aussi réclamer des dommages-intérêts. Le tribunal peut, dans certains cas, réduire ses obligations contractuelles ou annuler le contrat, notamment s’il a causé un préjudice.


En cas de manquements répétés, le gouvernement du Québec peut suspendre ou retirer une autorisation ou un permis qu’il a délivré à l’entreprise, y compris des permis essentiels, comme ceux de transport ou de services spécialisés. Même si cette mesure demeure exceptionnelle, elle envoie un message clair : la conformité linguistique est une condition d’exploitation d’une entreprise au Québec.


Des conséquences sur la réputation et l’image de marque


Les entreprises contrevenantes peuvent être inscrites sur une liste publique diffusée par l’OQLF. Ce genre de visibilité n’est jamais souhaitable, surtout dans un contexte où l’engagement social et le respect des lois sont généralement valorisés, voire exigés.

Un manquement linguistique peut rapidement se transformer en enjeu d’image sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Et à l’ère de la réputation numérique, les conséquences peuvent être lourdes.


C’est sans compter l’engagement de votre personnel francophone. Si vous bafouez ses droits linguistiques, vous risquez de causer de la démotivation et même de vous retrouver avec des plaintes à la CNESST.


Comme vous pouvez le constater, les risques sont nombreux. Je terminerai donc ici par une dernière question. Alors, ce feu rouge, allez-vous vous y arrêter ou non?

Comments


Commenting on this post isn't available anymore. Contact the site owner for more info.
bottom of page