Analyse de campagnes marketing des Jeux olympiques de Paris 2024 sous l’angle de l’inclusion
Ce texte est composé à partir de publications que j’ai faites sur LinkedIn durant les JO de Paris 2024. J’ai un petit secret à vous confier. Je suis une fan finie des Jeux olympiques. Alors vous imaginez bien que je n’ai pas voulu manquer la cérémonie d’ouverture vendredi dernier. Et, déformation professionnelle, je me suis mise à analyser les publicités sous le prisme de l’égalité et de l’inclusion. Hé oui… Bien quoi, on assiste aux premiers jeux paritaires de l’Histoire.
On s’attend donc que les commanditaires et partenaires nous présentent des publicités qui célèbrent le sport et les athlètes… masculins comme féminins. Je vous propose donc au cours des deux prochaines semaines une petite incursion dans le marketing olympique sous l’angle de l’écriture inclusive. Je vous laisse pour l’instant sur la toute dernière image de cette cérémonie d’ouverture, porteuse d’un puissant message : RÉUNIR CELLES ET CEUX QUI S’AIMENT. J’en ai encore le frisson.
Canadian Tire
Comme je le mentionnais, j’analyserai au cours des prochains jours les publicités des commanditaires et partenaires des Jeux olympiques de Paris 2024 sous l’angle de l’écriture inclusive.
Je commence avec une magnifique campagne de La Société Canadian Tire Limitée, en collaboration avec Leo Burnett . On ne peut rester de glace devant cette publicité où on voit un bébé qu’on imagine faire une carrière sportive brillante, grâce notamment au texte poignant qu’on entend en trame de fond :
« Des possibilités sans fin, sans limite, c’est ce qui t’attend. Peut-être un contrat professionnel, le premier choix au repêchage, des stades pleins à craquer. Équipe Canada, des médailles d’or, des statues, des records du monde, le Temple de la renommée. Les futures générations qui voudront faire pareil comme ELLE. C’est pourquoi Canadian Tire consacre 50 % de l’argent de ses commandites au sport professionnel féminin. »
Apparaissent ensuite à l’écran les mots suivants :
« Quand nous croyons tous en elle, nous jouons tous pour le Canada. »
Le slogan officiel de cette campagne : Nous jouons tous pour le Canada. Le mot-clic : #nousjouonstouspourlecanada
Celles et ceux qui ont suivi ma formation savent que le mot « tous » est trompeur. Il semble rassembleur et inclusif, mais il ne faut pas oublier que c’est un mot au masculin, dont le féminin existe sous la forme « toutes ». Donc tous, ça n’inclut pas toutes.
Il aurait été intéressant de trouver une formulation plus neutre et inclusive pour couronner une campagne magistrale. Le choix des mots peut bonifier – voire sublimer – une campagne et il est dommage qu’on ne s’y arrête pas toujours suffisamment.
On félicite et on remercie tout de même Canadian Tire de soutenir l’équité dans le sport.
General Mills (Cheerios)
On poursuit notre analyse de la publicité des JO 2024 avec General Mills (Cheerios). Le supporteur officiel de l’équipe paralympique du Canada, en collaboration avec Cossette, a choisi une formule courte et efficace, axée sur le mot « savourez » (on est tout de même dans l’alimentaire ici). Jusqu’ici, j’ai vu quatre déclinaisons : savourez le parcours, savourez le défi, savourez le moment et savourez le bonheur.
La pub télévisée rend hommage aux proches des athlètes olympiques et paralympiques : « Avant de pouvoir passer le flambeau, ça prend quelqu’un pour alimenter la flamme. Avant de pouvoir révolutionner son sport, ça prend quelqu’un qui te donne ta chance. Avant de monter sur un podium, ça prend quelqu’un pour nous encourager. » À l’écran : Pour savourer le bonheur, il faut d’abord le semer.
Le slogan officiel : savourez le bonheur. Le mot-clic : #SavourezLeBonheur
On s’adresse directement à l’auditoire avec l’impératif, ce qui permet d’éviter toute formulation genrée. On représente aussi les athlètes paralympiques. On est en présence d’un sans-faute.
Air Canada
Aujourd’hui, pour notre analyse du marketing olympique inclusif, on se penche sur la campagne d’Air Canada, réalisée par FCB. Pour sa campagne Paris 2024, le transporteur officiel a réutilisé le slogan « Haut le drapeau », qui avait également servi durant la pandémie. Avouons que c’est une récupération judicieuse dans le cadre olympique.
La publicité présentée durant les cérémonies d’ouverture raconte en parallèle l’histoire de courage et de détermination d’un couple qui immigre au Canada dans l’espoir d’une vie meilleure et celui de sa fille qui s’entraîne dans l’espoir d’atteindre les Jeux olympiques. Difficile de ne pas s’émouvoir face à l’adversité rencontrée par les trois protagonistes ou en constatant la fierté des parents de l’athlète, notamment du père qui ne cache pas ses larmes.
À l’écran, on peut lire : Quand un rêve canadien en propulse un autre. La vidéo sur YouTube a été intitulée : Un billet vers le rêve.
Le slogan officiel : Haut le drapeau. Le mot-clic : #HautLeDrapeau
On réunit donc l’inclusion des personnes immigrantes, le sport féminin, ainsi que des éléments textuels entièrement épicènes bien adaptés au contexte. On lève notre chapeau (ou notre drapeau) bien haut pour souligner les efforts d’inclusion d’Air Canada.
Gouvernement du Québec
Le gouvernement du Québec a diffusé une publicité plutôt sympathique en mettant en vedette des gens ordinaires posant des gestes qui rappellent des sports comme l’escrime, la natation artistique et la gymnastique. On montre de façon imagée que le Québec est habité par la fièvre olympique.
La publicité est également efficace du point de vue de l’inclusion en remerciant les athlètes avec ce message :
Merci à nos athlètes de nous inspirer
On utilise le mot épicène athlètes (il peut désigner des gens de tous les genres), on ne l’accompagne ni d’articles ni d’adjectifs et le tour est joué! On couvre toutes les possibilités.
L’inclusion en publicité, ça n’a pas à être compliqué.
Pour visionner la publicité :
IGA
Pour poursuivre cette série sur le marketing olympique du point de vue de l’inclusion, j’analyse le nouvel épisode d’une longue campagne d’IGA (Sobeys) dans le cadre de sa commandite d’Équipe Canada. En collaboration avec Sid Lee, l’épicerie officielle présente cette fois-ci une publicité animée mettant en vedette des agriculteurs et des athlètes en action dans un champ.
Au début de la publicité, on aperçoit à l’écran des sacs de jute sur lesquels est écrit « Récolte de champions ». Ensuite, on voit cinq athlètes féminines et un athlète masculin exécuter des mouvements de leur sport respectif. On a bien (trop?) représenté une majorité d’athlètes féminines, ce qui constitue un clin d’œil – volontaire ou non – au fait que la délégation canadienne à ces Jeux est composée à 60 % de femmes et à 40 % d’hommes (chiffres arrondis).
En finale, deux agriculteurs se félicitent : « La récolte a été bonne cette année, hein? Une récolte de champions. » Puis on entend « IGA est fière de soutenir tous nos champions d’ici », alors qu’on aperçoit le logo de l’épicerie surmonté du slogan « Nourrir le rêve. »
Ce qui cloche ici, c’est l’emploi du masculin exclusivement avec le terme « champions ». On peut comprendre que des contraintes graphiques viennent compliquer l’emploi des doublets champions et championnes, par exemple. Mais à l’oral au moins, aurait-on pu se permettre une formule plus inclusive?
Heureusement, le slogan est neutre et englobant, puisqu’on parle du rêve et non des athlètes, masculins ou féminins.
Le slogan : Nourrir le rêve. Le mot-clic : #Récoltedechampions
Une campagne mi-figue, mi-raisin.
Hydro-Québec
Hier, je posais la question de l’emploi des doublets complets «champions et championnes». Aujourd’hui, je vous donne un exemple qui répond à cette question. C’est l’équipe marketing d’Hydro-Québec qui nous montre que c’est tout à fait possible, comme vous pouvez le voir dans l’image que j’ai pu retrouver sur son site, après avoir entendu le même texte durant la diffusion d’une publicité télé lors des cérémonies d’ouverture des JO de Paris 2024.
La société d’État, bien connue pour ses interventions humoristiques sur les réseaux sociaux, nous invite à devenir des champions et championnes de l’économie d’énergie. Ce n’est pas la première fois qu’Hydro-Québec a recours aux doublets dans ses communications et publicités. À force de s’entraîner à l’écriture inclusive, ça devient tout naturel.
Dans le cadre de cette campagne, on nous invite aussi à établir des records d’économie d’énergie, avec une formulation neutre qui interpelle directement le public en général.
Du beau travail!
RBC
RBC Banque Royale reprend sa campagne « Les idées prennent vie ici », qu’elle avait lancée pour les Jeux de Tokyo en 2020. Sur le web, on a pu voir des bannières en rotation, qui présentaient des athlètes du camp des recrues RBC.
Le message : Une idée qui transforme les athlètes d’aujourd’hui en futurs espoirs olympiques. Le Camp des recrues RBC recrute et finance nos futurs espoirs olympiques. Chaque bannière portait le logo et le slogan de RBC : Les idées prennent vie ici.
Le recours aux noms athlètes et recrues, tous deux épicènes, et la dépersonnalisation avec l’emploi du terme espoirs sont des procédés très futés dans un tel contexte. Le message principal articulé autour d’un concept impersonnel (les idées) permet d’éviter un genre ou un autre.
Le slogan : Les idées prennent vie ici. Le mot-clic : #CampdesrecruesRBC
Une campagne un peu moins percutante émotivement que certaines autres que nous avons vues précédemment, mais tout de même efficace.
Équipe Canada
Équipe Canada célèbre le courage de ses athlètes avec une campagne aux multiples déclinaisons. J’ai choisi la publicité intitulée Maggie, Shai, Ellie. On y voit notamment ces trois athlètes en action, mais également dans des moments de vulnérabilité.
Narration : « Quand on regarde l’équipe olympique canadienne, on voit l’excellence à l’état pur. Ce qu’on ne voit pas, c’est leurs tourments intérieurs. On ne voit pas Maggie Mac Neil composer avec l’anxiété. Shai Gilgeous-Alexander qui a été retranché de son équipe au secondaire. Ni Ellie Black se faire dire qu’elle est trop âgée pour compétitionner. Ce qu’on ne voit pas, c’est cette force vitale qui nous habite face aux défis de la vie. Et c’est dans ce courage que réside la plus grande des victoires. »
Ce qu’on salue surtout dans cette campagne, c’est justement le courage d’Équipe Canada d’aborder les questions d’anxiété, de santé mentale et d’âgisme. La discrimination prend de nombreuses formes et c’est en la nommant sans détour qu’on la combat.
À l’écran : L’INVINCIBLE COURAGE
Le slogan : L’invincible courage. Le mot-clic : #ÉquipeCanada
Toyota
Cette campagne internationale de Toyota souligne l’importance du soutien des communautés locales pour les athlètes. Dans la publicité télé des JO de Paris, on assiste au parcours de l’athlète paralympique Marissa Papaconstantinou, depuis sa tendre enfance jusqu’à la compétition internationale en athlétisme, en passant par différentes étapes de la vie. Tout au long de ces étapes, Marissa est suivie et encouragée par sa famille, son voisinage et un entourage grandissant.
Alors que tout ce beau monde fait son entrée dans un stade derrière Marissa qui court en souriant, on entend et on voit à l’écran : « Nous pensons que tout grand voyage se fait ensemble. Toyota. Réalisez l’impossible. »
L’utilisation du verbe conjugué au nous et de l’adverbe ensemble, ainsi que l’emploi de l’impératif réalisez dans le slogan, constituent d’excellentes stratégies en écriture inclusive.
Le slogan : Réalisez l’impossible. Le mot-clic : #RéalisezImpossible
On aime le fait que Toyota met la diversité physique à l’avant-plan et on a hâte aux Jeux paralympiques!
J’espère que vous avez apprécié cette analyse que j’ai eu beaucoup de plaisir à faire. Si vous avez besoin de conseils ou de formation sur l’écriture inclusive et épicène, communiquez avec moi : anik@anikpelletier.com
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